Chroniques 2 Geek
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RIP Isabelle Caro

R.I.P Isabelle Caro 

(Billet écrit pour le site http://www.megaconnard.com/)

As-tu déjà eu envie de mourir ? Tu sais ce sentiment où tu es tellement las de tout ce qui t’entoure qu’au final tu souhaites disparaître et laisser ce monde injuste et cruel loin derrière toi ?

Puis tu t’es rendu compte que mourir, dire au revoir à tout ce que tu as connu, regarder une dernière fois les gens que tu aimes et imaginer la peine que ça leur fera quand tu ne seras plus là, c’est trop difficile à imaginer. Alors tu trouves une alternative.

Certains se font du mal comme pour se punir d’être malheureux, ils caressent de la lame d’un rasoir cette idée d’une fin qui ne serait que délivrance, puis saisissent aussi vite une compresse pour stopper ce sang qui s’écoule de leurs poignets.

D’autres encore, dans cette démarche diabolique, s’en prennent à une activité vitale et naturelle de notre vie : se nourrir.

Je vous parlerais de cette dernière car c’est celle que j’ai vécu, c’est celle que je me suis infligée, c’est l’enfer que j’ai visité.

L’anorexie est une maladie sournoise, elle s’immisce dans votre vie sans crier gare et vous prend entière jusqu’à vous tuer si vous la laissez faire.

Cela commence simplement, une femme décide de perdre quelques kilos, rien d’alarmant pour l’entourage, ni même pour elle. Puis impatiente, elle y met tout son bon cœur, on divise de moitié les calories nécessaires pour une journée et on enchaîne avec des exercices physiques. Puis cela devient une drogue, les exercices physiques sont quotidiens et dévorent votre planning, l’endorphine secrétée vous permet de tout subir sans rechigner. La faim ? Quelle faim ? La fatigue ? La douleur ? Cela ne me dit rien.

Dans votre esprit, tout semble pourtant logique : « Si je perds 2 ou 3 kilos de plus, je pourrais me faire plaisir en mangeant un repas copieux sans reprendre le poids que je viens de perdre ! ». Oui logique. Sauf que quelques mois plus tard vous avez en réalité perdu 16 kilos, vous êtes maigre, mourante, terrifiante.

Votre quotidien ? Faire du sport, compter le nombre de calories que vous avez consommé, se faire vomir si vous craquez pour un aliment gras ou sucré, vous coucher le ventre creux et les oreilles qui bourdonnent. Vous savez que vous êtes malade, vous êtes suivis par le médecin pour vos carences, votre aménorrhée, par un psychiatre pour vous en sortir. Vous dites « Oui je suis malade. » « Oui je veux m’en sortir mais c’est pas facile. ».

C’est faux, une anorexique ment, elle vous regarde droit dans les yeux, vous dit qu’elle est malheureuse, qu’elle ne veut plus être malade mais n’en pense pas un mot. C’est là, tout le grand art de cette maladie, elle vous tue et vous fait mentir pour la protéger.

Pas la peine de me demander « Comment savoir à quel moment est-elle sincère lorsqu’elle dit vouloir s’en sortir ? », non pas la peine car à aucun moment elle ne le pense quand elle vous le dit. Ce combat, si elle décide de le livrer, elle le fera seule car elle a honte. Elle a honte de vous dire que pour elle, ingérer quelque chose qui ne fait pas partie de sa liste « aliments peu ou non caloriques », ça la rend folle, ça la torture de ne pas se faire vomir après et de vivre avec ce sentiment de culpabilité : elle a failli à son régime. Cette maladie prend tout votre temps et toute votre énergie, elle vous rend égoïste. Elle a honte quand elle prend conscience de ce qu’elle est devenue et du mal qu’elle a fait à ceux qui l’aiment pourtant toujours et qui l’ont vu se décharner petit à petit. Elle a honte car elle a atteint un contrôle absolu de son corps et qu’elle se croit supérieure aux autres d’y être parvenue.

Tout ce qui passe dans son esprit, elle n’en dira pas un mot, pas à vous car vous ne comprendrez jamais. Elle restera enfermée dans la prison qu’elle s’est construite.

En amour comme pour l’anorexie, les mots ne valent rien s’ils ne sont pas accompagnés par des actes.

Isabelle Caro s’est affichée partout, parlant de sa maladie, affirmant vouloir s’en sortir pour de bon.

Isabelle Caro est morte, son père accuse les médecins. Lui-même se sent-il coupable ?

La seule et unique coupable c’est sa maladie, qui l’a rendu aveugle et égoïste, qui lui a fait croire qu’elle avait le contrôle de tout et qu’elle savait mieux que les autres gérer sa vie.

La seule et unique coupable c’est Isabelle Caro, car elle n’a jamais mené de combat contre sa propre maladie qui l’a ravagé chaque jour un peu plus.